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Pas assez tangible – l’échec de la loi sur le CO2 tient-il à des problèmes de communication ?

ProClim Flash 75

En juin 2021, une faible majorité des électrices et électeurs suisses a rejeté la loi sur le CO2. Les raisons de ce refus s’expliquent en partie sur base des résultats de la recherche sur la communication climatique.

Affiche pour la votation sur la loi sur le CO2 : avec quelles images positives de l’avenir le comité du OUI aurait-il pu rallier la population à la cause du climat ? C’est à ce genre de questions que l’on tentera de répondre lors du troisième congrès K3 qui se tiendra en septembre 2022 à Zurich.
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Texte: , ProClim

En septembre 2022, la Suisse accueillera pour la première fois le congrès K3 sur la communication climatique. Quelles sont les principales conclusions des deux éditions précédentes de cette manifestation, qui ont eu lieu en 2017 à Salzburg et en 2019 à Karlsruhe ?

  • On atteint mieux les gens avec des histoires qu’avec des faits purs et simples.
  • C’est par le biais de l’empathie et des émotions que nous nous sentons concernés.
  • Des images positives de l’avenir permettent d’orienter l’action vers des solutions.
  • Des exemples proches dans l’espace et le temps et touchant de près les gens rendent tangibles les conséquences des changements climatiques.

La troisième édition du congrès aura lieu les 14 et 15 septembre 2022 à Zurich. Une telle manifestation est-elle encore vraiment nécessaire ? Les conclusions mentionnées ci-dessus ne suffisent-elles pas à garantir une communication efficace en matière de climat ? Malheureusement non. Des exemples concrets montrent rapidement à quel point le problème des changements climatiques est complexe et continue de nous mettre au défi.1

Le rejet de la loi sur le CO2 par 51,4 % des voix lors du vote de juin 2021 l’a une nouvelle fois clairement mis en évidence. Dans le camp du non, l’argument des coûts a été particulièrement déterminant. La perspective d’un renchérissement des billets d’avion ou de l’essence a incité de nombreuses personnes à glisser un non dans l’urne.2 Une majorité d’entre elles étaient d’avis qu’une « Suisse agissant en cavalier seul n’est utile à personne et que [la nouvelle loi] nuit aux entreprises et à la population ».3

La campagne du oui a-t-elle omis d’appliquer les critères mentionnés plus haut d’une bonne communication sur le climat ? Plusieurs raisons ont certainement conduit à l’échec de la loi dans les urnes – par exemple, les deux initiatives agricoles ont mobilisé de nombreuses personnes critiques à l’égard des autorités, des climatologues et des associations environnementales.4 En outre, le moment était peu favorable. Le résultat aurait peut-être été différent si la votation avait eu lieu après les extrêmes météorologiques de l’été.

Toutefois, ce rejet dans les urnes tient encore à d’autres facteurs. Il était facile d’attaquer ce projet de loi. Les opposants ont pris pour argument les conséquences concrètes qu’aurait son adoption, notamment l’augmentation du prix de l’essence. Ils ont ainsi habilement occulté les question essentielles – telles que la dépendance à l’égard des énergies fossiles, les coûts à long terme des changements climatiques ou la responsabilité internationale de la Suisse et tant que pays signataire de l’accord de Paris – en détournant l’attention vers le niveau personnel.

Pourquoi la loi a échoué

« Les changements climatiques ne sont pas mon affaire ! Pas ici ! Ce problème n’est pas pour aujourd’hui ! » – c’est ce que beaucoup ont pu penser lorsqu’ils ont voté non, faute de se sentir concernés émotionnellement par la question posée lors du scrutin : qu’il s’agisse de la « redistribution des taxes d’incitation » ou du « fonds climatique », les modifications d’une loi sont souvent de nature technique.

Pour de nombreuses personnes, les changements climatiques restent nébuleux, difficiles à saisir. La loi sur le CO2 a échoué face aux obstacles que la communication climatique vise précisément à surmonter. En définitive, les mesures inscrites dans cette loi ne sont pas apparues comme urgentes.

Nous voici revenus aux points mentionnés au début comme critères d’une communication climatique efficace. Quelles histoires auraient pu convaincre des automobilistes d’accepter des prix de l’essence plus élevés ? N’était-il pas clair que la plupart auraient profité financièrement des taxes d’incitation ? Selon l’enquête post-votation, les trois arguments qui ont le plus fortement motivé le camp du oui sont la protection de l’environnement (« il est urgent d’agir »), des considérations politiques (« mieux vaut faire des petits pas que rien du tout ») et le bien de la prochaine génération.

Ces aspects devraient offrir suffisamment de matière pour des histoires qui frappent les esprits. Les personnes qui ont voté oui était prêtes à assumer une hausse des prix de l’essence. Sans doute pas seulement en raison du caractère incitatif des taxes prévues. Mais parce qu’elles voulaient que leurs petits-enfants puissent aller en camp d’été sans devoir craindre systématiquement les orages de grêles et les inondations. Qu’ils grandissent dans une ville verdoyante ou dans un village accessible en bus même tard le soir. Elles ont voté oui parce que la loi sur le CO2 était un premier pas vers un avenir positif.

Tout cela paraît-il trop pathétique ? C’est possible. Bien communiquer est un défi. Et c’est pourquoi le congrès K3 sur la communication climatique est nécessaire. Il n’existe pas de recettes toutes faites pour des images positives du futur. Cela justifie une réflexion approfondie sur la manière de créer des exemples aussi concrets que possible dans différents domaines. D’autres aspects feront également l’objet d’une nouvelle approche lors du congrès. Des exposés passionnants, des formes de débat innovantes et une multitude d’ateliers feront de cette manifestation un événement idéal pour acquérir une vue d’ensemble de l’état de la recherche internationale sur la communication climatique. L’orientation inter- et transdisciplinaire du public favorisera le réseautage et le traitement de questions actuelles. Comment créer des images positives de l’avenir ? Comment intégrer dans un même discours des groupes d’intérêt différents, par exemple aussi les milieux de l’économie ? Comment communiquer sur le fait que la neutralité climatique promeut un monde où il sera plus agréable de vivre ? Les critères mentionnés plus haut et d’autres résultats de la recherche sont déjà des outils importants pour une communication climatique efficace. Mais cette communication reste néanmoins un défi, comme le montre l’exemple concret de la loi sur le CO2.

Bibliographie

1klimafakten.de (2021) Über Klima sprechen. Das Handbuch. Kapitel 1: Mach Dir klar, was bisher schiefgelaufen ist. (04.11.2021)

2,3,4gfs.bern (2021) VOX-Analyse Juni 2021. Nachbefragung und Analyse zur eidgenössischen Volksabstimmung vom 13. Juni 2021. p. 5, 50–54. (29.09.2021)

Affiche pour la votation sur la loi sur le CO2 : avec quelles images positives de l’avenir le comité du OUI aurait-il pu rallier la population à la cause du climat ? C’est à ce genre de questions que l’on tentera de répondre lors du troisième congrès K3 qui se tiendra en septembre 2022 à Zurich.
Affiche pour la votation sur la loi sur le CO2 : avec quelles images positives de l’avenir le comité du OUI aurait-il pu rallier la population à la cause du climat ? C’est à ce genre de questions que l’on tentera de répondre lors du troisième congrès K3 qui se tiendra en septembre 2022 à Zurich.Image : Agentur pluswert

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